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Le compliment dans la relation de coaching en ressource humaine

« Les potentialités de l’homme sont si grandes et si mystérieuses, que les guerriers, plutôt que d’y songer, ont choisi de les explorer, sans espoir de jamais les comprendre. » La roue du temps (1999) C. Castaneda

« Nous croyons que si vous restez patient et déterminé dans vos modalités de construction de solution, vos clients vous impressionneront et même vous surprendront par leur résilience, leur créativité et leur compétence. » De l’entretien à la solution ; Peter de Jong et Kim Berg

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Nous avons donc abordé, au cours de la formation de coaching en ressource humaine, l’idée qu’il serait important, dans la séquence du feedback de fin de séance, d’y introduire un ou des compliments.

Ce n’est pas le seul moment où le compliment peut intervenir dans la séance de coaching. À de multiples occasions, le coach doit pouvoir relever des savoir-faire, des compétences et des potentialités. Ainsi, Kim Berg, De Jong et les différents thérapeutes en approche centrée solution, utilisent régulièrement le compliment en cours de séance pour mettre en lumière des moments d’exception et des ressources actionnables.

Nous allons essayer de faire apparaître que l’utilisation du compliment en séance de coaching découle d’un processus plus complexe qu’il n’y paraît, en répondant à deux objectifs de l’accompagnement en général : s’assurer que son utilisation participe à la poursuite de l’objectif du coaché et, surtout, qu’il s’inscrit dans les principes et les valeurs de l’approche centrée solution.

Pour le dire de manière différente, si la relation d’accompagnement en approche centrée solution est une œuvre d’émancipation[1], le compliment fait-il partie de la boîte à outils du coach pour la développer ? Comment faudrait-il l’utiliser pour qu’il le devienne ? Et comment dépasser l’outil pour que le compliment s’inscrive dans la nature même de la relation d’aide ?

D’où nous vient l’envie de complimenter ?

En cours de certification, lors du 4e module de formation, nous nous sommes intéressés à la construction du feedback. Philippe Bigot le décrit comme faisant partie des « rituels » de fin de séance. Il est construit autour d’une structure composée de 3 parties : le compliment, le pont et les tâches.

Le compliment va servir à renforcer ce qui est important pour le coaché, mettre en lumière ce qui fonctionne et l’aider à faire apparaître de nouvelles ressources.

Faisant partie intégrante d’une structure décrivant 3 étapes, nous en concluons donc que le compliment vise aussi à introduire et à encourager le coaché vers la réalisation des tâches que va lui prescrire le coach.

A ce stade, le coach en cours de formation reçoit, selon nous, une forme d’injonction paradoxale, qui va forcément avoir des répercussions sur l’utilisation de cet outil dans les débuts d’une pratique de coaching professionnel.

La forme de cette injonction paradoxale renvoie, selon nous, à ce que Paul Watzlawick et l’équipe de Paolo Alto ont mis en avant avec le terme de double contrainte. Elle théorise un dilemme de la communication qui se produit lorsque 2 messages sont incompatibles entre eux et créent de ce fait une situation plus ou moins insoluble.

Quel coach en cours de certification ne s’est pas interrogé en énonçant le compliment au moment du feedback de fin de séance sur la sincérité de celui-ci, sur l’intentionnalité de ce dernier ?

La double contrainte pourrait exister du fait que complimenter s’inscrit dans un ordre naturel des choses. Cela renvoie à avoir de l’attention pour l’autre, à le considérer. C’est un acte de vie dans la mesure où il participe à la relation et à la construction de celle-ci. On attend donc de la personne, au même titre que la politesse ou la générosité que cette action se fasse de manière spontanée, naturelle sans que cela soit demandé, conseillé ou ordonné.

Le fait que dans cette situation de formation en coaching, le compliment devienne un outil au service du feedback pourrait donc entraîner quelques difficultés que seule la pratique et des qualités de discernement pourront effacer.

Philippe Bigot précise qu’il faut donner le feedback (en particulier les compliments) de façon « vraie », « en phase avec soi ». Cela voudrait-il dire qu’au-delà de l’outil, le compliment ferait, de ce fait, partie intégrante de la posture du coach et de son savoir-être ?

L’exemple des coachings en interne en cours de certification était un bon exercice pour venir tester notre relation à cette consigne et à notre avancement dans le développement d’une posture de coach orienté solution. Le message était :

· Introduire en début de feedback un compliment, de manière « vraie », avec un coaché qui sait (du fait qu’il suit la formation) que vous allez lui faire un compliment !

Bien sûr la formulation n’est pas toujours de ce type. Néanmoins, dans toute relation et toute communication, la question de l’intentionnalité se pose et renvoie donc à des principes et des valeurs fortes, mais aussi à la construction d’une posture affirmée.

Nous allons donc proposer quelques réflexions à avoir pour ne pas se laisser prendre par ce type d’injonction et réussir à utiliser les compliments de manière spontanée, au service d’une œuvre d’émancipation et d’une relation de qualité.

Il nous semble donc important de développer nos idées à travers 2 axes. Le premier sera de réfléchir à la construction d’une posture professionnelle propice à l’utilisation des compliments et le deuxième s’intéressera à des aspects plus méthodologiques.


Posture favorisant l’utilisation des compliments en coaching en ressource humaine


De la posture de non-savoir…


Comment pourrais-je savoir à la place de l’autre ce qui serait bon pour lui ? Considérer la personne comme experte de son changement, c’est, de mon point de vue, accepter l’idée que la solution ne peut venir que d’elle. C’est accepter aussi l’idée qu’il n’existe pas une seule réalité, mais des infinités comme l’école de Paolo Alto nous l’a démontré à travers différents ouvrages de référence sur l’approche systémique.

Ces idées ont pris naissance dans le paradigme constructiviste qui dit que la réalité n’existe pas en tant que telle. Elle serait une construction mentale de l’observateur au sujet du monde qui l’entoure. Il existerait donc autant de réalités que d’individus.

Le paradigme du constructivisme social (Gergen 1985) qui guide le coaching orienté solution, va plus loin en affirmant que toute représentation, toute pensée, est une construction sociale. Il n’y a production d’idées, de savoirs ou de représentations, que par le fait des interactions sociales. En d’autres termes, les gens fabriquent du sens en interagissant avec les autres.

La réalité se crée donc aussi dans la relation qu’entretient le coaché avec le coach dans un principe de co-construction et de coopération.

La seule chose que peut savoir le coach en développant cette posture, c’est donc ce que lui dit le coaché de sa représentation du monde et de son contexte à l’intérieur de leur relation coach/coaché.

Pour Goolishian et Anderson (1991), travailler avec les clients devient un processus de coopération égalitaire qui s’oppose à un processus d’expertise hiérarchique. Le thérapeute devient alors un apprenti en demande d’informations plutôt qu’un technicien expert qui sait.

En effet, le coach orienté solution ne sait rien à la place de l’autre. Il s’intéresse à ce qui se passe et s’échange dans la relation pour trouver la juste place à côté de la personne, afin de l’accompagner. Le coach contribue, de par sa présence, son écoute et ses questionnements, à l’évolution de la représentation que se fait la personne de sa situation.

Constater ces évolutions, voir le type de relation évoluer, trouver des moments d’exception, invite le coach de manière spontanée à complimenter la personne sur ces différents points et donc, à renforcer la relation de coaching.

Le compliment n’est donc pas dans cette situation une occasion de prendre le dessus sur la personne, il est l’affirmation et le renforcement de la relation qui commence à se créer. Kim Berg et Peter De Jong* nous disent que le compliment fait partie des techniques de non savoir au même titre que l’écoute, le silence, la reformulation ou la validation des perceptions.

Selon eux, les clients ont des qualités personnelles et des expériences antérieures qui, si elles sont formulées, peuvent être d’une grande aide pour résoudre leurs difficultés et leur apporter plus de satisfaction dans la vie.


… À l’éthique du regard ou l’éloge de ce qui est différent


De mon point de vue, travailler à la relation d’aide en utilisant l’approche centrée solution nécessite de développer ce que l’on appellera une éthique du regard.

Elle propose au coach d’aller voir ce qui ne se voit pas au premier abord chez l’autre, ou au sein même de la relation coach/coaché. Elle nécessitera d’avoir une certaine forme de curiosité et une profonde conviction de voir émerger chez l’autre des compétences ou des ressources nouvelles.

La personne accompagnée construit souvent son problème à l’intérieur d’un récit répété depuis un certain temps. Un regard différent porté sur le récit, une curiosité à vouloir dépasser cela et le fait d’aller chercher des moments d’exception vont parfois permettre au coaché de modifier le récit, et par la même, de changer sa relation à son problème.

Un tel regard capable de mettre à distance le jugement, la relation à la norme et le principe de réalité va inciter le coach à complimenter régulièrement la personne sur les ressources actionnées et sur les débuts de solutions.

Les réactions du coaché à ces compliments seront des informations importantes sur la nature de la relation et sur les modes de coopération qui sont à l’œuvre : la personne sourit, elle hoche la tête ou peut-être ne répond pas.

Enfin, proposer une éthique du regard, c’est accepter de valoriser ce qui est différent chez l’autre ou dans ce qu’il met en place. La personne, la plupart du temps, arrive avec un problème qui lui fait vivre un écart important entre ce qu’elle est et ce qui serait attendu par son entourage (famille, équipe de travail, hiérarchie…).

Souvent, elle voudrait faire disparaître le problème comme s’il était la cause de toutes ses difficultés. Le changement de regard du coach orienté solution va l’amener à s’intéresser à la relation qu’elle entretient avec son problème et non au problème en tant que tel, en allant en chercher la cause.

L’accompagnement par le questionnement qui en découle doit permettre à la personne de se sentir respectée et non jugée, et devrait réactiver une forme de créativité qui sera mise en valeur par le coach à travers les compliments en cours de coaching.

Pour Kim Berg et De Jong (1996), ce que nous pouvons faire en tant que praticien est de présumer que le client a des compétences et les respecter, et de converser artistiquement avec lui, afin qu’il puisse créer plus de ce qu’il veut dans sa vie.


A l’usage du compliment en cours de séance


Au cours du feedback, le compliment est donné par le coach et se place dans une visée stratégique de l’accompagnement. Il est possible de faire une pause de quelques minutes avant le feedback. Dans ce cas-là, la séance reprendra donc avec le compliment qui va venir mettre en lumière les points forts et les succès du coaché.

Le coach s’efforcera donc de relier ces compliments aux objectifs du coaching et devra articuler cela pour introduire la prescription des tâches.

Il sera sans doute nécessaire, en cours de séance, de noter les points forts, les succès et les ressources actionnables pour faire une synthèse la plus à même de renforcer la coopération avec le coaché.

Il faudra faire attention à ce que le compliment ne se transforme pas en jugement de valeur sur ce qui est bien ou moins bien, et donc de retomber dans une relation de pouvoir, où le coach serait en capacité de juger et de donner son avis sur les réussites ou les échecs de la personne.

L’utilisation des compliments dans ce contexte-là est vue comme un outil de l’accompagnement, dans la mesure où il s’inscrit dans une structure plus large (compliment/pont/tâches) et qu’il se déroule à un moment précis de la séance. Cela n’enlève rien à l’authenticité et à la véracité des compliments, dans la mesure où la posture du coach orienté solution a été respectée au cours de la séance.

Enfin, conduire une séance de coaching orienté solution peut avoir des effets surprenants sur le coach ! En effet, en allant chercher les moments d’exception avec la personne, les nouvelles ressources à actionner chez elle, le coach pourrait bien se surprendre à complimenter la personne de manière spontanée.

A développer une relation de type horizontal, à se dégager totalement d’une relation de pouvoir, en développant une éthique du regard et une posture de non-savoir, il se pourrait que le coach orienté solution utilise le compliment en cours de séance, non plus comme un outil, mais comme un élément faisant partie intégrante de la relation d’aide.

Une relation ou le compliment serait utilisée de manière spontanée et authentique serait une relation de respect et de grande qualité, où le champ des possibles resterait ouvert. C’est la qualité de cette relation que viendront chercher les futurs clients chez les praticiens de l’approche centrée solution.


En résumé


Ainsi, nous avons essayé de montrer que l’utilisation du compliment en séance de coaching orienté solution découle d’un processus plus complexe qu’il n’y paraît.

Considéré comme un outil de fin de séance au service du feedback, il devra être formulé en fonction de critères précis. Il ne sera pas un jugement de valeur décrivant une relation de pouvoir. Il devra reposer sur les succès et les réussites de la personne, qu’elle aura elle-même énoncés en cours de séance. Bien que délivré dans une perspective stratégique et à un moment bien précis, le compliment sera donné de manière authentique et spontanée par le coach. Il pourra évaluer la pertinence de celui-ci à la réaction de la personne.

En cours de séance, le compliment sera considéré comme un élément à part entière de la relation et de la co-construction de celle-ci.

Le coach sera amené à complimenter la personne sur les nouvelles ressources actionnées, sur ses réussites, non pas dans une visée stratégique ou méthodologique, mais bien dans le cadre d’un espace relationnel. Le coach ayant développé et construit une posture orientée solution aura, selon nous, de plus en plus de facilité à intégrer le ou les compliments dans la séance de coaching, sans jamais, pour autant, faire naître une relation de pouvoir.

Finalement, la question ne sera donc plus de connaître l’intentionnalité et l’authenticité du compliment en cours de séance. Il sera préférable que le coach s’interroge sur la relation qu’il entretient avec la posture orientée solution et à quel niveau il se situe dans l’apprentissage de celle-ci. La relation devrait suivre, les compliments aussi.

[1] Nannini, M, Une approche centrée solution en thérapie, ESF 2014

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