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Co-construire une alliance thérapeutique en approche orientée vers les solutions

La coopération comme mode d’action




Il semblerait que le concept d’alliance thérapeutique ait été utilisé pour la première fois de l’Histoire par Sigmund Freud. Depuis, de nombreux chercheurs ont publié sur ce sujet.


La plupart s’entendent sur l’importance de la qualité de la relation qui s’instaure entre accompagnant et accompagné pour amorcer des changements dans la vie des personnes.


Selon une étude menée aux USA par M. Lambert, 4 sources d’influence concourent à un changement positif au cours d’une relation d’aide : les facteurs externes (40%), l’effet placebo (15%), les facteurs techniques et théoriques (15%), et les facteurs relationnels (30%).


C’est donc de ces facteurs relationnels et de leur émergence qu’il sera question dans cet article. L’idée principale ne sera pas de disserter sur ce qu’est ou n’est pas l’alliance thérapeutique en tant que telle, mais bien de s’intéresser aux conditions de son expression.


Selon Michael F. Hoyt, la thérapie brève repose sur 3 axes principaux qui sont le fait de travailler sur les ressources des personnes, sur les résultats qu’elle souhaite obtenir et sur l’alliance qui s’instaure entre elle et le thérapeute.


Nous nous intéresserons donc à cette dernière dans une pratique orientée vers les solutions.



Une croyance sans failles dans les ressources et compétences des clients


« Une expérience très intéressante avec des outils différents et un thérapeute qui n'est, pour une fois, pas drapé dans ses habits de psy condescendant. » *


Avant même de rentrer en relation, le thérapeute se doit de croire sans retenue aux compétences du client et dans sa capacité à changer. Les personnes sont les seules expertes de leur vie et savent parfaitement comment s’y prendre pour ne pas sombrer.


La personne, considérée comme faisant partie d’un système plus large (amis, familles, travail, société, normes sociales…) et faisant la démarche de venir demander de l’aide, se trouve déjà dans une forme d’équilibre (homéostasie) qui lui permet d’avancer.


Le fait même de prendre rendez-vous avec un thérapeute est un signe de sa volonté de s’en sortir et nous alerte sur le fait qu’elle a déjà commencé à changer.


Avec l’approche orientée vers les solutions, la personne n’est pas considérée comme statique avec un problème que l’on pourrait diagnostiquer et qui marquerait une limite pour se développer. Au contraire, les praticiens de l’AOS posent le principe de l’impermanence : le changement est continu, tout bouge et tout se transforme à longueur de temps.


Le thérapeute, avec cette conviction et ce regard posé sur la situation, devient un accompagnant de ce mouvement ou, pour le dire autrement, un facilitateur pour continuer cette dynamique.


Avant même la première séance, lors de votre premier échange téléphonique ou même avant s’il a entendu parler de vous, le client doit sentir qu’il y a au moins une personne qui croît plus que tout à ses capacités de changement, à ses forces intérieures et à la singularité des réponses qu’il va trouver.


C’est une vision très optimiste certes, mais elle est primordiale dans le fait de développer une alliance thérapeutique. La personne doit se sentir écoutée, comprise, entendue et respectée dans le rythme qui est le sien et la situation qui est la sienne.


Cela nous décentre complétement des approches interprétatives de l’accompagnement et redéfinit la relation du praticien à son client comme une intervention de soutien. Le thérapeute n’est pas là pour donner des solutions à la personne, mais bien pour la soutenir dans le fait de faire émerger ses propres ressources.



Inverser le processus pour favoriser l’alliance thérapeutique


« J'ai réalisé qu'il était possible de suivre une séance de thérapie sans directement parler du problème en lui-même, un peu comme un inversement du processus. » **


En se concentrant sur les ressources des personnes et les résultats attendus, la personne entrevoit assez rapidement des améliorations possibles dans sa situation et peut envisager un mieux-être dans une période assez courte. L’alliance thérapeutique est d’autant plus renforcée quand la personne pense que la séance peut lui être utile et que le processus ne va pas prendre un temps considérable.


On me pose souvent la question de savoir comment il est possible que la thérapie brève soit si courte en nombre de séances. Je pense que c’est une question à poser aux personnes qui ont essayé ce type d’accompagnement. Je peux, par contre, très bien expliquer pourquoi le travail thérapeutique habituel d’analyse prend autant de temps.

Commencer une séance en demandant à la personne ce qui l’amène vers vous, c’est déjà l’inviter à décrire son problème et s’enfermer dans celui-ci.


Lui demander quels sont ses espoirs à l’issue de la séance, c’est l’inviter à parler directement de ce qu’elle aimerait voir se produire.


Le processus est donc complétement inversé. En parlant d’objectifs, de devenir ou de changements souhaités, la personne se souvient de ressources déjà utilisées et d’actions qu’elle pourrait mettre en place rapidement. C’est une dynamique positive qui s’instaure entre le thérapeute et son client et qui a le mérite de poser les bases d’un cercle vertueux.


A l’opposée, quand la personne parle de son problème et de ses conséquences, et que le thérapeute essaye d’analyser ces difficultés, la personne continue de penser l’échec, l’incapacité, les limites, ce qui prend forcément plus de temps pour retrouver un fonctionnement harmonieux et ne favorise pas une alliance thérapeutique à court terme.


Enfin, le fait de se focaliser sur les ressources de la personne, ses réussites passées et à venir, sur les petits riens qui lui font réaliser son potentiel, cela entraîne également des changements de comportement chez cette dernière (sourire, sens de l’humour, posture physique plus soutenue, respiration plus maitrisée…) qui sont des signes d’une possible alliance thérapeutique.


« Le problème de départ s'est décalé sur d'autres questionnements et d'autres perspectives. Penser le problème en termes de ressources et solutions limite ma propension naturelle à pleurnicher sur moi-même. Je pense que c'est un bon automatisme à avoir, être dans l'action plutôt que dans l'introspection vaine et douloureuse, avoir sa liste de solutions qui marchent permet de ne pas s'enfermer. » ***



Dans une relation thérapeutique sous contrainte, la place du contexte


Très souvent, les personnes n’arrivent pas en thérapie de façon spontanée. Les exemples qui démontrent que, dans la grande majorité des cas, ce qui ressemblerait à une relation d’aide n’est en soi qu’une relation sous contrainte, sont nombreux.


Ce point me semble trop souvent négligé par les professionnels quand il s’agit de se lancer dans une relation d’aide. En effet, le seul fait de se dire thérapeute, éducateur ou aidant ne suffit pas à faire adhérer la personne au processus d’aide. Le désir de changement ne peut en aucun cas émerger sous la contrainte.


Par ailleurs, le fait d’occulter ce travail d’exploration du contexte de la demande peut créer des situations de blocage ou de tension aux conséquences multiples. Si elle avait le choix, la personne pourrait ne pas revenir en séance et si elle devait être contrainte à nouveau, le professionnel finirait par se trouver démuni face à elle. Celui-ci, pour se défendre, pourrait être tenté d’évoquer le principe de « résistance au changement » ou même une pathologie servant, dans la situation, à masquer son incapacité à instaurer une alliance thérapeutique.


Pour le thérapeute, il est important de garder cela à l’esprit pour pouvoir entamer de la meilleure des manières le travail thérapeutique et faire apparaître à la personne l’intérêt qu’elle pourrait avoir à s’engager dans cette relation. Dans ces conditions, l’une des premières questions pourrait être : comment en êtes-vous arrivé à venir me rencontrer aujourd’hui ?


Cette question permet d’en savoir plus sur le contexte de la demande et laisse à la personne la liberté de pouvoir expliciter les raisons de sa présence. L’approche orientée solution utilise un nombre important de questions qui vont dans ce sens.


Il faudrait pouvoir explorer plus en détail les façons de travailler et les techniques de questionnement en situation d’accompagnement sous contrainte. Cela concerne, bien sûr, les thérapeutes dans les séances avec des clients, mais aussi tous les travailleurs sociaux qui accompagnent des personnes ou des familles sur injonction du tribunal dans les situations de placement.


Je recommande vivement les travaux de Guy Ausloos et de Guy Hardy sur ce sujet.

















Parler le même langage…


Le thérapeute se doit d’adopter le langage de la personne qu’il a en en face de lui afin de se faire comprendre et rendre possible la perspective d’un mieux-être.


C’est une compétence primordiale pour tout thérapeute, éducateur ou personnel soignant et qui est, selon moi, trop peu enseignée dans les écoles.


En très peu de temps, le thérapeute va devoir créer un espace sécurisant et familier pour que la personne se sente à l’aise. Un espace étranger où elle peut se sentir chez elle afin de dire de sa situation et de ses difficultés. A partir de là, le thérapeute et son client co-construisent du sens et créent de nouvelles représentations afin de faire évoluer le regard porté sur la situation.


Toute cette expérimentation devient une co-création qui s’exprime dans et par le langage. Les échanges qui s’instaurent dans la séance sont perçus, comme le dirait Kim Berg et De Jong, comme un art conversationnel.


Il est primordial que les questions du thérapeute soient déterminées par les réponses de la personne et que celles-ci soient formulées avec les mots du client. Pour cela, le professionnel doit garder en tête les mots clefs employés par la personne, les expressions qui font sens pour elle et les références qu’elle utilise afin de les réutiliser dans les phases de questionnement et de feed-back.



… en s’intéressant au récit que la personne fait de sa vie


L’approche narrative (qui s’articule parfaitement avec l’approche orientée solution) a mis en évidence le fait que si la personne a été capable de construire des problèmes, elle est tout à fait capable de construire des solutions.


Quand je parle de construction de problème ou de solution, j’insinue par là le fait qu’un problème ou une solution n’existe pas en tant que tel.

En tant que thérapeute, je préfère considérer que le problème s’inscrit dans une construction langagière et existe à travers les mots que la personne va utiliser pour le décrire.


La thérapie narrative aide donc la personne à modifier ce récit et faire évoluer par là-même la relation qu’elle entretient à son problème.

Je trouve très intéressant le fait de distinguer le fait d’avoir un problème et le fait d’entretenir une relation avec lui. Cela change considérablement le regard du praticien sur la personne et renforce selon moi l’alliance thérapeutique.



Le comportement non verbal du praticien


Les clients sont très sensibles au comportement non verbal du praticien, que ce soit en séance en cabinet ou par Skype. Il est naturel qu’ils scrutent votre comportement à la recherche de petits signes qui pourront les renseigner sur votre capacité à les écouter, les comprendre, mais aussi les rassurer.


Selon Kim Berg et De Jong, une enquête de Okun confirme cette observation et établit que les clients s’appuient sur les comportements non verbaux des praticiens pour juger si oui non ils sont écoutés et respectés (je vous la retranscris tel quel) :


· Ton de voix qui s’harmonise à celui du client

· Contact visuel

· Hochement de tête occasionnel montrant que le praticien suit ce que dit le client

· Changement des expressions faciales en réponse au discours du client

· Sourire à des moments appropriés pour manifester chaleur et compréhension

· Geste occasionnel de la main

· Être assis tout près du client

· Utilisation d’un rythme verbal modéré

· Se pencher légèrement vers le client pour montrer intérêt et concentration

· Le toucher occasionnellement


Avant d'aller plus loin


Ainsi, j’ai voulu, à travers cet article, m’intéresser à certains facteurs qui peuvent contribuer à développer ce que l’on nomme une alliance thérapeutique.

Elle n’est pas un état de fait, ou une capacité qu’auraient certaines personnes plutôt que d’autres : « cette personne est coopérante quand celle-ci est résistante ». Elle se développe au contraire dans un processus d’interaction entre le praticien et son client.

Le thérapeute se doit donc de réfléchir sans cesse aux conditions de son émergence en réinterrogeant ses savoir-faire et son savoir-être dans des espaces de supervision.


Il y aurait beaucoup d’autres point à aborder pour compléter ces quelques pistes de réflexion. Je pense notamment à certains articles que vous pouvez retrouver sur mon blog :


Les références théoriques seront à préciser, sans doute dans un cadre de formation, pour faire entendre et comprendre que l’AOS est une approche qui repose sur des preuves et une méthodologie réfléchie. Elle découle de paradigmes bien connus aujourd’hui dans le domaine des sciences humaines et sociales.





* / ** / *** Extraits de témoignages de clients à l’issue d’une séance unique de thérapie (Single Session Therapy), via un formulaire de retours proposé dans le cadre de ma recherche

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